De la notion d’équilibre – N’as-tu jamais éprouvé au grand dam de ta conscience un étourdissement? Sentir graduellement sur ton nez une confusion bien lourde qui te laisse anéanti devant le monde. Il se jette soudainement dans tes yeux une mystérieuse incompréhension du présent, de tes alentours, voire de la vie elle-même. Ce bouleversement injustifié se conclut toujours par une inquiétude foudroyante. «Enfin! Qu’est-ce que tout ceci? Que se passe-t-il? Tout cela m’échappe!» Cette désinhibition mélancolique ne se termine que par son oubli. Comme si tu avais reculé d’un pas en dehors du cadre de ta vie, que d’un effort inconscient tu tournas la tête en direction opposée du théâtre pour tenter de saisir cette chose qui le regarde tel un arbitre, il ne suffit que d’une distraction venue du tableau pour retomber dans le feu de son action et te remettre à vivre en échappant dans tes souvenirs cet instant intime de déséquilibre. Moi aussi, j’ai souffert de ces ressentiments d’absurde. Il m’est arrivé de me surprendre à confondre les dalles de la cité pour un grand abîme duquel provenaient les causes de mon corps et de tout ce qui s’en suit. Puis ce n’est que d’un coup sec que la matérialité de la nature me rappelle à l’ordre. Je redeviens sans hésitation un funambule sur sa corde et je retrouve dans le vide mes pieds sur celle-ci. Sans une hécatombe ni aucune crise dépressive, je retrouve le chemin qui me mène à contempler le monde loin de mes égarements philosophiques.

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De la suprématie de l’Amour – Que font les assaillants de nos idées précieuses ? Ils martèlent ces blocs de marbre, s’acharnent tels des vautours sur les valeurs actuelles qui tôt ou tard descendront dans nos livres d’histoire. Nous nous trouvons là, au beau milieu de ces constructions utopiques subjuguées à la peur infaillible, sans baisers pour nous apaiser et sans mots pour nous écouter. Je te sens fébrile devant les cris de ces nouveaux martyrs improvisés, malgré ton apparence radieuse et ton allure enjouée. Le ciel parsemé de nuages grisés surplombe le ballet de mes yeux sur tes mains, ton visage, et ton sourire à la fois jeune et ensanglanté par les atrocités irréalistes de ce monde. « Absurde » est le mot que tu m’as glissé dans l’oreille au passage de ton outrance envers ce délire sadique. Alors je m’éloigne de la sévérité du monde: j’enfile mon manteau de cynique dans l’espoir de te sauver du dégoût humanitaire et de t’accueillir dans mon réconfort fictif. Main dans la main, nous esquivons le sérieux des visages et la sidération de ces corps animés pour nous enfuir sur ce chemin en terre battue vers cette colonne de marbre qui résiste toujours sous les coups de fusils, de marteaux, et de faucilles. L’amour des corps trahit les idéaux de ce monde et nous rappelle l’inutilité de la pensée et des croyances en tout genre. Nous sommes tous les deux accablés tant par des balles philosophiques meurtrières que par des craintes douloureuses et lointaines. Bien que tu penses différemment de moi, je t’aime, et je ne saurais m’expliquer pourquoi.